Plus de temps, plus d’argent : l’EPR de Flamanville vire au mauvais plan
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C'est l'augmentation du coût de l'EPR de Flamanville
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depuis le début de sa construction en 2007
Nouveau rebondissement pour le projet d’EPR à Flamanville. Mardi 10 avril, EDF a annoncé avoir détecté des « écarts de qualité » sur des soudures. Cette avarie a poussé l’exploitant à lancer une expertise afin d’en déterminer les causes. À l’issue de celle-ci, en mai, le groupe « sera en mesure de préciser si le projet nécessite un ajustement de son planning et de son coût ». Depuis l’annonce du dernier calendrier, en 2015, c’est la première fois qu’EDF évoque l’éventualité d’un nouveau retard.
Une telle nouvelle marque un énième revers pour EDF et Areva, qui accumulent les déboires depuis le début de la construction de l’EPR, en 2007. À l’époque, le but de ce projet était d’anticiper au mieux le vieillissement du parc nucléaire français. Les deux entreprises se donnent alors jusqu’à 2020 pour le renouveler. Le lancement de l’EPR de Flamanville devait notamment coïncider avec la fermeture de la centrale de Fessenheim. « La loi nous impose que lorsque nous commencerons à faire fonctionner Flamanville, nous devrons fermer deux réacteurs, qui ont été désignés par le gouvernement, c’est-à-dire Fessenheim. Le retrait de cette centrale se fera simultanément à la mise en service de Flamanville » expliquait Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF en décembre dernier aux micros d’Europe 1.

Mais depuis son lancement, le chantier de l’EPR de Flamanville accumule les déconvenues. Sa mise en service a maintes fois été repoussée, et la facture a plus que triplé. Retour sur onze ans de polémiques.
- 3 décembre 2007 : Les premières tonnes de béton sont coulées sur le site de Flamanville. Le projet de l’EPR prévoit la construction d’un réacteur nucléaire troisième génération d’une capacité de 1 650 mégawatts. Estimé à 3,3 milliards d’euros, l’EPR doit être opérationnel en 2012. « Il n’y a pas ou peu de risque de dépassement budgétaire, car tous les grands contrats ont déjà été finalisés », soutient à l’époque Bernard Salha, directeur de la division ingénierie nucléaire d’EDF.
- 2008 : Premières fissures et première suspension du chantier. À la suite «d’anomalies », le chantier est suspendu en mai. EDF n’évoque ni retard, ni augmentation des coûts. Mais sept mois plus tard, le géant de l’électricité est bien forcé de le faire. Il estime pour la première fois que l’EPR coûtera 20% plus cher que prévu, soit quatre milliards d’euros. En visite à Flamanville, le Premier ministre François Fillon affirme l’année suivante que malgré « quelques retards », l’objectif « est toujours de démarrer le réacteur en 2012 et de commercialiser l’électricité en 2013 ».
- 2010 : « Deux ans de retard par rapport à la date prévue ». C’est l’annonce faite en début d’année par la CGT, confirmée six mois plus tard par EDF. L’entreprise revoit par la même occasion la facture du projet. Son montant est réévalué à cinq milliards d’euros. À l’époque, déjà, les syndicats et les écologistes dénoncent un bilan et un coût bien loin de la réalité.
- 2011 : À cause des intempéries et après la mort de deux ouvriers, le chantier tourne au ralenti. En juillet, EDF indique que l’EPR aura deux ans de retard par rapport à la dernière prévision. Son coût total est désormais évalué à six milliards d’euros – soit le double du prix de départ. Ce nouveau délai est justifié par les audits mis en place suite à la catastrophe de Fukushima.
- 2012 : Nouveau retard, et nouvelle facture, provoqués par… les retards accumulés lors des années précédentes. Même si le chantier progresse, la facture augmente de 2,5 milliards d’euros. « Voilà qui vient briser le mythe, si cela n’était pas déjà fait, du nucléaire pas cher. Ce sont 8,5 milliards gaspillés et détournés des véritables alternatives. Il faut arrêter les frais et stopper ce chantier qui est absurde », clame à l’époque Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire.
- 2015 : « Une anomalie sérieuse, voire très sérieuse » est repérée en avril par l’Autorité de sûreté nucléaire sur la cuve du réacteur. Un bâton dans les roues de plus pour l’EPR. Un mois plus tard, Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, déclare que l’EPR ne sera pas prêt avant la fin 2018. Une fois de plus, son coût est réévalué, à 10,5 milliards d’euros.
- 2018 : nouveaux déboires. Le 22 février, EDF déclare avoir repéré « des écarts de qualité » sur des soudures du circuit secondaire du réacteur. Ces problèmes font écho aux irrégularités de fabrication constatées à l’usine du Creusot d’Areva où sont fabriqués certains composants de l’EPR. Mais pour EDF, « cet événement ne remet pas en cause le planning du projet »… Le lancement de l’EPR est désormais fixé au mois de mai 2019.